Au petit matin, si vous croisez une vision monoculaire au marché de la vieille ville de Bienne, si cet œil perspicace perché sur un vieux cycle jaune de facteur appartient à un quadragénaire tatoué d’origine jurassienne dont les ongles des petits orteils sont absents, il y a de fortes chances que l’on vous invective joyeusement avant de vous démontrer que l’on peut être propriétaire d’une maison de 1896 et marxiste, hyperactif et lecteur d’Eluard, faire de la raquette au clair de lune sur les crêtes enneigées du Chasseral tout en se croyant dans la mangrove ivoirienne, prétendre que la meilleure damassine provient de Reykjavik, écouter du rap et être champion d’orthographe, athée et s’occuper d’associations caritatives, vivre en famille et pratiquer l’onanisme, enseigner la géographie humaine au gymnase et voir la vie en rose, alors il ne peut s’agir que de Thierry Stegmüller, le vicomte de Beaumont, qui vous invitera chaleureusement à une fondue arrosée de pinot noir et de littérature, de visiteurs impromptus, d’émotions et de turbulences magnifiques, pour que vous vous rendiez finalement compte que la nuit sera fort courte, et le sommeil mélangé d’absinthe et de Ritaline.